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Plutôt panier ou plutôt caddy ?

Deux marchés, deux ambiances. Cent euros en espèces, pas un centime de plus. Et dès que je récupère une pièce de 2 €, je la mets de côté pour fabriquer mon
économie silencieuse, celle qui me permettra plus tard de voyager. Dans les deux cas, mon panier à bout de bras, celui de Jean-Jacques de Beaudinard
évidemment, je reste fidèle à mes valeurs. Celui de Sisteron, le samedi matin. Là, je fais mon marché. Suis en terre connue. Bonheur total. Premier arrêt au stand des olives et autres délices que proposent Ben et Alex, beaux-frères associés. Jamais pressés. Ni eux, ni moi. Tout est présenté au cordeau, c’est beau, c’est bon, c’est pro. Une variété de saveurs, d’odeurs, de couleurs, ces deux-là, c’est sûr, sont dans mon cœur. Un jour, je dépasserai ma timidité maladive et leur dirai que je les aime. Kalamata ou de Provence, vertes, noires, violettes, figuettes, lupin, ail tressé par leurs mains habiles, limite manouches. Mon rituel me conduit ensuite chez Marina. Un regard, un sourire, une présence et toujours une tranche de pain ou un gâteau sec en sus. Vous goûterez et vous me direz. Malgré le temps, le vouvoiement, elle y tient. Soit. Le pain Loré. C’est la marque de fabrique de Steeve et de son équipe. Pour les avoir vus œuvrer au fournil, respect. Qualité totale, exigence au plus haut degré à chaque étape, bravo, même mon intestin grêle applaudit des deux mains. Et mon côlon ne colle jamais car vos farines sont intelligentes. Je m’arrête maintenant chez Nicolas, producteur de fromages de chèvres dans la vallée du Jabron. Lui, je puis vous assurer qu’ils les aime ses chèvres. Il travaille à l’ancienne, dans un respect total de l’animal. Son crémeux ? Une tuerie. Le petit fumé ? Ses tomes ? Une tuerie. Sa bûchette ? Le cendré ? Ses petits frais ou demi-frais ? Une tuerie. En hiver, pas de gestation, pas de petits, pas de lait, pas de fromage, pas de marché. Mon panier pèse. Dernier arrêt au stand de Céline. Toute nouvelle, elle s’est installée discrètement. Elle et son mari élèvent vingt porcs par an. Oui vingt ! Je l’ai observée durant six mois. Et puis j’ai goûté à leurs produits, moi qui mange très peu de viande. Mon système digestif s’en est trouvé interloqué, sidéré, étonné : pourquoi et comment ai-je négligé Céline durant tout ce temps ? Mon palais s’est régalé, mon ventre fut contenté. J’ai fait comparer à plusieurs amis, en aveugle, leur saucisson à celui de trois autres bons producteurs. À l’unanimité, celui de Céline est très loin devant, systématiquement. Un détour s’impose enfin au Panier de nos Vallées ou à La Ferme, deux magasins de producteurs qui proposent, entre autres produits locaux, la fameuse poichichade du Domaine de Vire Vent. Le marché auquel je ne m’attendais pas. Partout dans le monde, Maurice, Mexique, Italie ; ou bien Nyons, Sault, Pau, Beaune, Huelgoat, Forcalquier, partout je vous dis. Là je fais un marché. Suis en terre inconnue mais ce que j’éprouve est
de l’ordre de l’extase, de l’exaltation, du bonheur qui soulève les poils. D’abord en repérage. À l’affût. Les revendeurs aux mains lisses m’indiffèrent. Les mains de ceux qui produisent ne trahissent jamais. J’observe puis je tends un regard. Il y a contact ou pas, peu importe. Toujours laisser une deuxième chance. De toutes les façons, je repasserai. Et j’achète en ne faisant confiance qu’à mes sens avertis. Parmi eux, mon coeur. Lui ne me trompe jamais. Deuxième délit de faciès, je le confesse, je le porte sur la gueule des légumes, des fruits et de tout ce qui se mange : définitivement, mon corps n’est pas une poubelle et je refuse tous les produits aseptisés que vomit honteusement et vulgairement l’industrie agro-industrielle. Goûtez aux produits du Domaine Terra et vous comprendrez ce que terroir et travail bien fait signifient. Et il y a en a tant d’autres. Partout.
Rentré à la maison, je me lave les mains, me confectionne un café barista, celui de 11h qui ne fait mal ni au foie ni au système nerveux, je le déguste puis vide mon panier. Chaque produit me renvoie à un regard, une poignée de mains, un sourire, un clin d'œil, un rire, un jeu de mots, une palpitation, une blague, une émotion que je garde blottie dans mon ventre. Jubilation. Le week-end s’annonce paisible, serein, sportif. Là je suis bien.
Alors panier ou caddy ?