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Roulez jeunesse !

Entre palabres, rires et coups de pédales, nous dépassons péniches et autres bateaux de plaisance stoppés aux écluses. Certaines d’entre elles sont encore en vie, proposant images du passé, expositions, sculptures modernes, de quoi boire un coup ou se restaurer, station vélo, bornes de recharge électrique pour les vélos assistés. D’autres écluses semblent abandonnées, d’autres encore attendent leurs nouveaux propriétaires, panneau à vendre bien en évidence.
Deuxième jour et nous avons tous les quatre la même impression : celle d’être partis depuis beaucoup plus longtemps. Le temps est illusion lorsqu'il est libre de tout cadran et de tout carcan.
La philosophie s’invite à mon guidon : est-ce le temps qui passe ou bien est-ce nous qui passons dans un espace temps que seul l’être humain a matérialisé de manière chronométrée ?
Nous ? Deux couples. Les filles sur leur monture à assistance électrique. Elles portent et le cuissard et la culotte, entendez que leurs sacoches contiennent également les affaires des mecs. Malgré leur âge, les hommes restent fidèles au vélo musculaire, par fierté, par économie et par peur d’être classés trop rapidement vieux croutons.
Au menu cette année, canal du Midi puis canal de la Garonne, de Béziers à Bordeaux en passant par Toulouse. Le retour se fera en TER, tellement pratique. J’aime cette France intelligente. Les canaux sont équipés et entretenus par les VNF (Voies Navigables de France) et la SNCF joue son rôle de liaison inter cités. La France est un pays merveilleux.
Ni prouesse ni performance sportive. Il y a deux ans, nous avons découvert une partie de la Bretagne, de Nantes à Brest. L’année dernière, la Bourgogne s’est quelque peu offerte à nous, toujours au fil de l’eau mais pas que (de l’eau) !
Nous avons convenu que chaque étape avoisinerait les 70 km. L'itinéraire long de 490 km prévoit donc sept journées rythmées ainsi : départ le matin à 8h30 pour éviter de rouler sous le cagnard. Vers 11h30, nous choisissons l’écluse ou la curiosité historique alentour qui fera notre lieu de pause. À midi, pas d’alcool. Juste une bière, incognito. Ça compte ? Tantôt une assiette composée, tantôt une salade, tantôt des fruits, melon, pastèque, tomates, olives. Du simple mais du bon. Parfois une glace, pour faire glisser. Entorse fut faite à Castelnaudary : on ne pouvait passer à côté du cassoulet de l’hôtel de France !

Arrivée suffisamment tôt dans la ville ou le village étape pour en profiter un peu : les hébergements ont été choisis et réservés en amont par Françoise. Hôtel, gîte d’étape, chambre d’hôtes, tout nous va, tant que les sanitaires sont propres et la literie de qualité. En B&B, c’est souvent une boîte à clef qui assure l’accueil. Notre société se déshumanise peu à peu, y compris dans le tourisme.
Comment décrire ce qu’éprouvent nos cuisses, fesses et dos endoloris au contact de l’eau ? Douche tiède chaude pour décrasser et se détendre puis froide, au moins sur les jambes, pour activer la pompe de Sterling.
Apprêtés, nous sortons. Marcher fait du bien. Nos truffes averties sont à l’affût : repérer une place accueillante, vivante, animée ou au contraire un coin discret : nous cherchons une bonne table. Nos museaux ont appris à faire le tri et nous remuons la queue quand on pense avoir déniché le spot incontournable. Les rires vont bon train, les anecdotes ne manquent pas. Les corps se délassent, les muscles font relâche, il flotte entre nous une bonne humeur détendue ; le repas nous réconcilie avec la vie, soixante dix kilomètres, ce n’est pas rien ! 21h30. Les yeux balbutiant, Françoise me prévient : n’y pense même pas, j’ai l’abricot en feu ! Demain avant de démarrer je regarderai l’inclinaison de sa selle. Il fait bien trop chaud pour se blottir l’un contre l’autre. Bonne nuit ma chérie sont mes derniers mots, étouffés par un ronflement inhabituel : probablement la fatigue, ou le vin, ou la combinaison des deux.
À Toulouse, le pont-jumeaux. Moissac, son ancienne abbatiale bénédictine, son cloître, son église dont le tympan est l’un des plus beaux de l’art roman et sa pizza championne du monde ! Les halles de Valence d’Agen et son marché haut en couleurs. Les nombreux “pont-canal”. Le Mas d’Agenais, village médiéval. 2000 ans d’histoire et un Rembrandt. Nous y rencontrons Catherine, céramiste, sculptrice et peintre. Échange de mails. Nos cœurs se nourrissent de toutes ces rencontres furtives.
La capitale girondine n’est plus qu’à quelques encablures. Notre périple touche à sa fin. Nos corps entraînés le regrettent car ils pourraient donner beaucoup plus à présent. Les jambes répondent, les fesses ont fait de la selle leur meilleure alliée, le dos ne pèse plus, l’abricot a repris du poil de la bête. Le canal des deux Mers termine sa course à Royan, mais le train nous ramène déjà à notre point de départ. Nos t-shirts, auréolés et odorants, font de nous quatre zonards écroulés de fatigue. Chaque contrôle des billets est l’occasion de changer de position. Il nous reste tant de France à parcourir ! Allez bisous et à l’année prochaine pour une nouvelle aventure !


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